mardi 8 août 2017

Laisser du jeu au feu c’est laisser jouer le diable !

Chaque été les feux de forets, un peu partout sur les reliefs du nord de l’Algérie, plombent les populations d’un lot inédit de détresse. En cet août 17, plus caniculaire que d’autres, la limite de la désespérance des cendres qui étouffent, aveuglent et enragent a été atteinte; cendres qui (surajoutées aux longues coupures d’eau) ont plu jour et nuit sur la ville de Annaba, entre autres, à partir de ses monts de chênes liège de Séraidi,  de Bougentas, de Bouzizi et Ain Barbar sans parler des forets de la Calle à quelques encablures de la frontière algéro-tunisienne…

                                              Vue de départs de feux à l’ouest de la ville…



Tel un ou plusieurs volcans qui s’éveillent menaçants…..

A 1000 mètres d’altitude, au village de Seraidi édifié par des alsaciens au 19ème siècle et où se trouve l’hôtel El Moutazah créé à flanc de falaise par Pouillon après l’indépendance, les colonnes de fumées s’élèvent monstrueuses dans la stratosphère -déportées par un faible vent marin au-dessus de la ville de l’acier et de l’ammoniac-, rappelant de très sombres souvenirs, notamment l’incendie des environs de la plage de Djenan el Bey (ou oued Baqrat) et plus particulièrement de Seraidi même, « village de villégiature et de tourisme » qui en garda de lourdes marques des années durant…


Tant qu’on voit l’épaisse fumée de loin (ou qu’on a l’illusion de la voir de loin), on suffoque de chaleur comme dans un four, tout au plus… Mais dés que les flammes ont fini par atteindre le centre sportif du village (le CREPS), les maisons de la première périphérie du coté de Temmam et les aires de jeux d’enfants, les poteaux et les câbles du téléphérique au dessus de la route du « Lidou » (l’Edough, en fait).. ainsi que la roche très peu en équilibre au-dessus des lacets de la route qui grimpe sur 16 kilomètres, la peur panique s’installe alors et les équipes de pompiers mobilisées avec leurs camions et 4x4 ne suffisent plus face à l’enfer des flammes, face à l’air irrespirable des fumées toxiques, aux morceaux de grosses branches et d’écorces qui explosent jusque sur les toits et les jardins des maisons…

… Etrange Bouna-Annaba qui semble jouer en maître du béton qui bouffe à pas de géant le piémont de la montagne mais qui ne semble pas se soucier des meilleurs moyens pour éviter ou alors de contrôler et juguler les feux à répétition qui embrasent la peau de son corps indolent…

… Ils et elles sont encore nombreux à Annaba à se souvenir d’une année terrible où l’embrasement de la foret, coté mer et ses criques de rêve, avait quasiment bloqué les estivants sur la plage de Oued Baqrat… Une magnifique plage de carte postale entourée par des kilomètres carrés de fournaise. Voitures atteintes par le feu. Brûlées... Cul de sac ! Impossibilité de prendre même la route à pied. Impossibilité d’y acheminer les secours. Impossibilité de tout sauf la vision de la mort par crémation… La fin du monde ! Et les animaux devenus fous de dévaler de la montagne vers la plage. Les sangliers notamment, poil brûlé, museau enflé filant comme des saouls furieux sur la plage de sable… Et les baigneurs tous contraints de nager vers le large où, après des heures de dérive et d’angoisse, ont put enfin être récupérés avec des barques et des petits bateaux de fortune… Un film-catastrophe !...

Et en cet aout 17 c’est le remake d’un film d’épouvante…





A V A N T C’ETAIT. . . 



Avant la fin d’un monde : les sous bois et la légèreté des fougères (dont les scientifiques affirment que c’est la plus vieille plante de la planète) ; c'est-à-dire la nature dans toute sa splendeur avec ses nuances de vert, ses fleurs, ses papillons, ses parfums et sa fraicheur ; le désir de s’arrêter en bord de route et de prendre plusieurs bols de plaisir ; de rêver à une randonnée à pied ; d’observer de loin des ruchers d’abeilles; un vol plané de faucon ; de voir parfois surgir par dessus la route un lapin, une fouine ou un petit renard et s’émerveiller de l’équilibre multimillénaire entre les flancs de ces vieux monts, la plaine, les routes, la densité des constructions et la mer… La mer méditerranée ou « el bahr el abyadh el moutaouassit »…  Un instant on croit que la beauté est éternelle (juste un instant dans le vent) quand tout va basculer dans le pire…          

LE PIRE, SI CELA A ENCORE DU SENS . . . 






Boites de conserve et bouteilles de verre éclatées ne sont pas parties en fumée, elles….

Des images de désolation qui me remettent en mémoire des vidéos d’été de multiples chaines internationales d’information où l’on observe des hydravions canadairs en train de larguer à basse altitude leur cargaison de poudre ou d’eau sur les flammes… Sur d’autres continents, d’autres terres où les gens en charge du patrimoine parlent d’autres langues…

A PLUSIEURS KILOMETRES DE LÀ. . . 

Dans le jardin d’une maison, les feuilles encendrées d’un figuier attendant désespérément quelque orage de pluie…


 texte et photographies Abderrahmane Djelfaoui

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