vendredi 17 février 2017

Motos des oasis, le design des femmes de Tam

A quelques 870 kms au sud de la capitale, à El Ménea (El Goléa), on roule beaucoup en vélo et bien plus encore, les jeunes, en moto. Il n’est pas rare de voir pétarader à toute vitesse sous les hauts palmiers dattiers et entre les murs de toub brun-rouges deux ouvriers agricoles  dont par exemple le second tient en travers du dos une pelle et une pioche dans le sillage d’un nuage de poussière de sable …

Motard passant devant le jardin de « Maata Molana » de la Fondation FOREM

C’est que la moto est bien pratique et rapide dans les venelles de l’oasis ; plus économique aussi aujourd’hui qu’une 4x4 diesel ou un dromadaire... C’est un puissant moyen de transport qui n’enferme pas son passager dans une coque de métal derrière un pare-brise.
Au contraire, tête nue ou avec le chech  on participe à moto du même air froid ou brûlant des palmes, des mêmes éclats de lumière et d’ombre…

On remarque vite que les toutes nouvelles motos, stationnées ici ou là devant un portail ou à l’angle d’une ruelle ont leur guidon, leur réservoir, selle, porte-bagage et amortisseurs enveloppés dans une fine pellicule de plastique transparent… Comme si elles venaient juste de sortir du magasin du concessionnaire…

(J’imagine d’ailleurs bien les jeunes prénommer leur moto : Ezzina-la belle ou El Gadra-la puissante…)

Mais on remarque très vite également que presque toutes les autres motos, neuves ou vieilles, magnifiques ou simplettes, sont recouvertes d’un long tapis étroit de laine, aux couleurs vives tissé de motifs berbères traditionnels.

Un tissu bleu recouvre et protège également les amortisseurs…

Derrière la moto tapissée, un technicien s’affaire à réparer un compteur à eau

Devant un des bouchers du centre ville

Dans différentes boutiques ou étalages de vente à l’air libre du marché du centre nous avons retrouvé ces tapis faits mains. Multiples et doux au toucher ; aucun ne ressemblant à l’autre par son motif et l’efflorescence de ses couleurs ; tous d’une inventivité chaleureuse et sereine…

Denis Martinez et ma fille Yasmine découvrant le design épuré et les belles couleurs d’un tapis de moto
devant une échoppe de produits artisanaux


Denis Martinez découvre que le dos du tapis de moto est en fait
un support synthétique de récupération sur lequel est tissée la laine du dessus.


Ces tapis sont en fait fabriqués par les femmes à Tamanrasset ; femmes anonymes dont les mains délicates et inventives donnent un  autre air et éclairage aux routes et pistes innombrables du grand Sud…
Des tapis vendus pour subsister et qui « remontent » vers le nord avec le retour des camions revenant de Tawa, Arlit, Agades et du Burkina Fasso où ils faisaient leurs exportations de dattes des oasis algériennes…
Avec ces mini tapis le plasticien Denis Martinez imagine bien de faire, in situ, ici au marché d’El Menea même,  un atelier artistique en compagnie des étudiants et étudiantes de l’Ecole supérieure des beaux arts si l’occasion lui en était donnée… Il affirme : « ca c’est un design utilitaire qui sort des nécessités de la vie quotidienne, simplement et avec beauté ». Tapis qui servent tout à la fois d’assise agréable sur le siège de la moto mais participent ingénieusement à empêcher l’érosion de la selle et le dessus du réservoir de carburant par les éléments extrêmes que sont les vents de sable, les chaleurs, le froid…



Texte et photos Abderrahmane Djelfaoui