dimanche 6 mars 2016

Abdelhamid Benzine : le film

On le sait, l’Association  des Amis de Abdelhamid Benzine mène un travail de mémoire honorable et continu depuis de longues années. A son actif, ce ne sont pas seulement des prix décernés tous les deux ans à de jeunes journalistes qui se sont distingués par la thématique et la qualité de leurs reportages. Ce sont aussi des colloques forts et variés qui sont organisés puis (surtout, surtout) relayés par l’édition de leurs actes… (1)

 Vue générale de la salle Frantz Fanon lors de la cérémonie de remise des prix (photo Abderrahmane Djelfaoui)

Cette année, pour le plaisir d’un public nombreux et fidèle, la nouveauté de la rencontre a été la projection d’un extrait du  film sur Abdelhamid Benzine en présence de son réalisateur Nasredine Guénifi.
Ce morceau est une reconstitution libre d’une période abominable vécue par des dizaines de milliers d’algériens et Abdelhamid Benzine lui-même avec eux dans les camps de concentration de l’armée coloniale française durant la guerre de libération nationale. Les images du réalisateur (ami de René Vautier et très longtemps directeur photo dans le cinéma algérien) sont franches et denses, à  couper le souffle, d’autant plus qu’accompagnées d’une musique  qui vous prend et vous élève…



 Mais comme pour toutes celles et ceux qui ont vécu les camps, les déportations, les tortures ou les prisons : on ne peut évidemment ici tout raconter. Il faut au moins « voir » et « écouter » ; ce qui est la force du cinéma qui est malheureusement presque inexistant dans notre pays en tant support de mémoire,  de recherches, pour toutes les questions vives d’identité et de vie que la majorité des algériennes et des algériens supportent à bout de bras…
N’empêche ! La centaine de personnes présentes aura eu l’immense privilège de « revoir » Abdelhamid, l’actif et fraternel Directeur gérant d’Alger républicain que nous connaissions dans les années 90 mais, qui ici plein écran, parle et défie ses adversaires militaires au camp spécial de Boghari, refuse de mettre genoux à terre, organise la résistance des prisonniers réduits à la condition de sous hommes…  Un homme et un militant entré en politique à l’âge de 13 ans en 1940, un homme qui ne perd en rien de sa dignité d’officier de l’ALN, même déguenillé et le corps suppurant de blessures, de croutes de sang séché, noirci….


Comme l’indique et le souligne le réalisateur, le scénario est une adaptation faite à partir de la première édition du livre.  Le manuscrit, sorti clandestinement du camp par la mère de l’auteur au fond d’un couffin, avait été acheminé tout aussi clandestinement l’été 1961 aux fins de parution  aux Editions sociales à Paris en 1962. Un petit livre de 94 pages, mais quel livre !...
Un livre qui a heureusement connu par la suite quelques rééditions dans l’Algérie indépendante et a certainement joué un rôle d’importance dans le fait que Abdelhamid s’est mis à fond dans le travail d’écriture, à différents moments, sous différentes formes, pour témoigner et nous livrer ses riches mémoires.

 L’hommage vivant renouvelé les mois de mars (photo Abderrahmane Djelfaoui)


Une commémoration qui était (et cela est heureux) rehaussée par la présence tout à la fois humble et rayonnante de Zahia Khalfallah dont on sait, qu’après d’atroces tortures, elle partagea la geôle infecte de Serkadji avec ses sœurs parmi lesquelles Jacqueline Guerroudj, Djamila Bouhired, Baya Hocine, Anna Gréki et tant d’autres…
Souhaitons à Nasredine Guénifi de pouvoir terminer dans les meilleures conditions possibles son film et que nous puissions le voir projeter au bénéfice du plus grand nombre pour la fierté et le contentement humain de toutes et de tous.

Zahia Khelfellah à la tribune (photo Abderrahmane Djelfaoui)




Abderrahmane Djelfaoui

(1) le dernier en date étant: "Lacartagraphie syndicalle algérienne... Aprés un siècle de pluralisme". Actes du colloque en hommage à Abdelhamid Benzine, Alger , 7 et 8 mars 2015. Sous la direction scientifique de Nacer Djabi. En langues arbe et française.

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