mardi 14 juillet 2015

Alger : le métro César-Ameur !

Prendre le métro aux Fusillés à 22 heures 30 en direction de la Grande Poste (centre grouillant de monde et de voitures) pour être au vernissage d’une exposition de peinture qui, à la troisième semaine d’un ramadhan chaud-chaud-chaud, arrive de la belle ville marine de Mostaganem : c’est tout un programme !

Et en sus d’un tel programme, l’heureuse exception de me déplacer en compagnie de l’ami peintre et sculpteur Mustapha Boucetta. Un artiste de bonne humeur qui aime toujours blaguer finement et rapporter des histoires de la vie quotidienne qui en disent bien plus long qu’un tas de discours…. C’est ainsi que traversant une partie des entrailles du Hamma et de Belcourt, Mustapha avait eu le temps de me raconter l’histoire de sa grande sculpture, l’autruche, réalisée avec des métaux de véhicules réformés qui fini par avoir «une sœur» de la part d’un artiste de la région de Mosta qui l’a entièrement réalisée avec des fourchettes. « Un autre oiseau d’art et de bon augure j’espère », opine Mustapha…. Il a ensuite le temps de me décortiquer au fil des dernières stations une importante interview du sculpteur français César sur la création et la créativité, puis, enfin, de sortir au terminus en sifflotant le refrain « On est bien peu de chose, et mon amie la rose » de Françoise Hardy années 60 qu’il affectionne particulièrement….

Un vernissage, des amis, des copains et des connaissances


Le lieu de l’expo est à la Galerie Hocine Asselah qui d’un coté fait face au siège de la wilaya bien illuminée avec un grand drapeau flottant et, de l’autre, une des façades de l’Institut français de culture, fermé en ce nocturne samedi de juillet. De loin on peut déjà voir pas mal de monde sur le trottoir, illuminé par les spots de la galerie. On parle haut, on rit, des bras se lèvent, font des tourbillons, on se tape amicalement sur les épaules…

Djamel Larouk et Hachemi Ameur


On est entre soi, chez soi sur ce boulevard de nuit de la République… On reconnait pèle mêle autour de Hachemi Ameur, hôte heureux et souriant, les ainés Moussa Bourdine (sans son béret, ce soir), Rachid Djemai et le sculpteur Mohamed Massen. Mais également Mustapha Nedjai (que tous sont contents de retrouver en forme après sa petite intervention chirurgicale), Kenza Bourenane, Walid Aidoud, Karim Sergoua, Mourad Krinah, Madjid Guemar, Abderrahmane Ouattou ainsi que Riad Aissaoui.  D’autres personnes sont déjà à l’intérieur de la galerie ; d’autres arrivent qui, soit annoncent d’autres venues, soit informent quant à ceux ou celles qui ne pourront malheureusement pas venir tel le cas de Valentina…  On comprend enfin pourquoi on a dans l’ensemble préféré rester dehors, en bordure de la chaussée : il fait bien plus frais sur ce long boulevard où une belle brise de mer siffle à donner envie de se baigner aux étoiles…


La peintre Ratiba Aitchafaa

Il y a d’ailleurs un mois et demi environ, une exposition collective réunissait sur les hauteurs de Delly Ibrahim quelques réalisations de Hachemi Ameur avec des œuvres de quatre autres plasticiens de la même région : Abdelkader Belkhorissat, Adlane Djeffal, Said Debladji et Said Chender. Aujourd’hui, et pendant un mois, c’est à dire jusqu’au 10 août, Hachemi Ameur est à l’affiche d’une exposition personnelle qu’il nomme : Anamorphoses et Certitudes… Un jeu de sens entre visuel et détermination….

Le peintre devant son oeuvre



Des toiles pour le regard de quelques pensées…

Avant de descendre en ville, j’avais bien entendu ouvert un dico électronique pour vérifier la définition (assez vague que j’avais, il est vrai) du terme anamorphose. « Œuvre, ou partie d'œuvre, graphique ou picturale, dit le Larousse, dont les formes sont distordues de telle manière qu'elle ne reprenne sa configuration véritable qu'en étant regardée soit, directement, sous un angle particulier (anamorphoses par allongement), soit, indirectement, dans un miroir cylindrique, conique, etc. » Autrement dit : ce n’est qu’une fois regardée sous un angle particulier, ou réfléchie dans un miroir courbe par exemple, que l’image plane et anamorphosée réapparaîtra normale et correctement proportionnée…

Ceci étant, la première impression que l’on a en faisant le tour des deux salles où sont accrochées la trentaine de toiles est assez étrange. C’est que malgré des couleurs diverses et lumineuses,  cette expo nous contraint tout de même, cadre après cadre,  à constater que nous avons à faire pour l’essentiel à des silhouettes rapides de gens debout ou assis. Toutes silhouettes caractérisées par leur allongement, leur grossissement ou leur déformation délimitées par un trait sombre et gras. La manière générale voulue par l’artiste est « gestuelle », rapide qui ne s’attarde pas. Pour un artiste qui a pourtant accumulé une longue expérience de dessinateur figuratif, souvent minutieuse : la manière est à peine esquissée, indéfinie, « emportée » comme d’un juste-vu-au-passage. Une manière qui laisse notre regard dans l’indétermination totale puisqu’il n’y a jamais l’amorce d’aucun détail fut-il d’un visage, d’un bras, d’un habit, d’un lieu ou même d’un élément de décor si ce n’est, parfois, sur un ou deux tableaux, un encorbellement de la ligne qui laisse penser à une très lointaine résurgence de la calligraphie qui fut un moment important dans l’itinéraire de Hachemi Ameur qui aura été, comme on le sait, également miniaturiste…

Alors qu’en est-il au vrai de cette volonté d’Anamorphoses et Certitudes ?... Cette impression d’inachevé relève-t-elle du fait que l’artiste (qui n’en est pas moins professeur et directeur de l’Ecole des beaux arts de Mostaganem) veut nous signifier qu’il est en évolution d’un style de recherche vers un autre ?... Par Anamorphoses et Certitudes nous sommes en fait « collés », suspendus et pour le moins contraints d’attendre la suite de l’évolution d’un plasticien certes expérimenté (qui a même fait une partie de ses études en Chine), mais un artiste somme toute jeune puisqu’il aborde à peine la cinquantaine…
       
Final saxo !

La chanteuse Malia présente au vernissage

Le vernissage a charrié d’autres artistes que plasticiens. Ainsi, l’inattendu ou le gâteau sur la cerise aura été de vivre ce moment aux sons langoureux, nostalgiques et cuivrés de « Petite Fleur » (le plus célèbre morceau de Sydney Bechett avec « Les Oignons ») joués par un saxophoniste, Aomar en l’occurrence, déambulant lentement dans les salles sous le regard amusé et attendri du public, particulièrement des dames…



Abderrahmane Djelfaoui

PS : Le métro de retour (l’un des derniers à une heure du matin) était quasiment bondé de familles et d’enfants ainsi que de groupes d’ados (ont-ils eu le bac ?...) habillés de shorts et tee shirts bariolés comme si c’était un retour de plage…. Mustapha Boucetta, amusé et pince sans rire, me dit en souriant : « est ce que tout ce monde aurait seulement reconnu, apprécié et aimé « Petite fleur » de Bechett ? »… Cette foule de voyageurs était je crois trop ailleurs pour qu’on ose seulement penser à le lui demander…

Mustapha Boucetta lisant les instructions avant l’avant dernier métro à la Grande poste



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